Quand on essaie de développer un propos sur sa discipline, s’ancrer dans le consensus scientifique est toujours un bon réflexe.
Pour y arriver, le plus simple c’est de trouver un livre qui vulgarise.
Par exemple le livre Drive vulgarise à merveille toutes les découvertes de la psychologie sur la motivation.
Mais parfois… ce livre n’existe pas. Ou alors on cherche la réponse à une question plus spécifique.
Il faut alors chercher directement les études.
Je vais te partager ma méthode avec un gros avertissement : je le fais en autodidacte. Quand je compare mes résultats à ceux des personnes qui ont un cursus universitaire avec l’habitude de le faire, je vois que je suis encore loin.
Mais je me dis que ça peut aider les personnes comme moi qui, justement, n’ont pas fait ce type d’études.
Google Scholar, le Google secret des chercheurs
Avant, je m’épuisais à chercher les études dans Google normal : grave erreur. C’est le bordel, tous les résultats sont mélangés…
Par exemple, si je cherche une des études classiques dans le recrutement, qui évalue le niveau d’efficacité des différentes méthodes d’évaluation :
On ne tombe pas facilement sur l’étude parce que ça renvoie tout et n’importe quoi.
Pendant des années, j’ai galéré comme ça. Jusqu’à ce qu’on m’explique il faut que tu ailles dans Google Scholar.
Et… bah j’ai pas écouté.
Donc j’ai continué à galérer, jusqu’à ce que quelqu’un me montre non mais regarde dans Google Scholar.
Et bim :
Cette fois, le premier résultat c’est bien ce que je cherchais.
Sauf que…
Il y a une raison pour laquelle j’ai mis du temps à me mettre à Google Scholar. Je voyais pas l’intérêt ?
Bah oui, si j’ai le titre de l’étude, ici : The validity and utility of selection methods in personnel psychology: Practical and theoretical implications of 85 years of research findings
… pourquoi aller autre part que dans Google ?
Parce que justement : généralement je n’ai PAS le titre de l’étude.
Comment les chercheurs et chercheuses “rangent” les études ?
Pour retrouver les études il est crucial de comprendre le système de classement des études. Comment on les identifie ?
La nomenclature est simple mais il faut la connaître. C’est : Nom de famille des personnes autrices + année de parution
Ça permet de retrouver plus facilement que d’apprendre le titre.
Plutôt que de retenir The validity and utility of selection methods in personnel psychology: Practical and theoretical implications of 85 years of research findings
Il me suffit de retenir : hunter schmidt 1998
Parce que cet article scientifique a été écrit par Frank Schmidt et John Hunter en 1998, tout simplement.
Comment trouver la version gratuite ?
Autre souci dans Google : on te propose d’acheter les études. Systématiquement.
Voilà ce qu’il se passe avec le premier résultat dans Google quand j’entre le titre de l’étude :
On me demande 18$.
Il faut savoir que la plupart des études sont disponibles gratuitement.
Nicolas t’es sérieux ? Tu arrêtes pas de nous dire qu’il faut payer pour le contenu, ne pas pirater, etc.
Ah mais attention ! Pendant longtemps j’ai cru que c’était du piratage. Jusqu’à ce que j’apprenne que les chercheurs ne touchent PAS d’argent sur ces ventes. C’est uniquement la revue qui gagne de l’argent.
D’ailleurs ce sont souvent les chercheurs et les chercheuses qui vont mettre à disposition la version gratuite. Et, pour ne pas être en infraction, l’astuce c’est de publier la version brouillon, juste avant la version définitive.
Celle où il va juste manquer une virgule à un endroit.
Donc techniquement ce n’est pas la même version. Et comme c’est l’auteur/l’autrice même qui fait ce partage, on ne peut pas l’attaquer pour piratage.
Et c’est là qu’intervient la magie de Google Scholar. Si je rentre le titre de l’étude (ou Hunter Schmidt 98) dans Google Scholar j’obtiens ça :
Et c’est le jackpot. Dès que je vois écrit [PDF] comme ça, sur la droite ça veut dire que Google m’a trouvé une version gratuite.
Tu remarques également que je peux cliquer sur Les 29 versions. Et il me fait la liste de tous les endroits où on peut retrouver l’étude. Certains endroits payants, d’autres non.
D’ailleurs, parfois on a pas l’étiquette PDF sur la droite et en cliquant sur les versions, on en trouve une en PDF (et donc gratuite).
Parfois on fait totalement chou blanc (je dirais dans environ 20% des cas).
Un exemple concret
Imaginons que je sois en train de lire un livre de Brené Brown, qui est une chercheuse qui écrit beaucoup de livre pour vulgariser les recherches autour de la vulnérabilité.
À la fin de son livre Daring Greatly on trouve ça dans les sources :
In a 2011 study: Kross, E., Berman, M., Mischel, W., Smith, E. E., & Wager, T. (2011). Social rejection shares somatosensory representations with physical pain. Proceedings of the National Academy of Sciences, 108, 15: 6270–6275.
Déjà, maintenant on comprend pourquoi c’est présenté ainsi : Kross, E., Berman, M., Mischel, W., Smith, E. E., & Wager, T. (2011)
C’est pour qu’on puisse la retrouver par le noms des auteurs et la date. Quand je tape ça dans Google, je tombe sur l’étude mais on me demande de payer. Quand je tape dans Google Scholar
Petit moment de stress parce que quand c’est [HTML] parfois c’est payant… cet exemple va-t-il foirer ? Non ! En cliquant full View j’accède bien à l’étude en question.
Comment juger de la solidité d’une étude ?
Toutes les études ne se valent pas. Mais là je t’avoue que je ne sais pas le faire. Je dois donc encore dépendre de recommandations de personnes en qui j’ai confiance. Par exemple, je sais que Brené Brown ne me recommandera jamais d’étude faible.
Je sais que normalement il faut regarder le nombre de citations. C’est pour ça que dans les screenshots tu pouvais voir le petit texte Cité 958 fois.
En gros l’idée c’est que plus un article scientifique est cité par d’autres articles scientifiques et plus y’a des chances qu’il soit solide.
Ensuite tu as également la revue qui publie. Toutes n’ont pas le même prestige et la même difficulté pour y rentrer.
Par exemple, si tu tombes sur une “simple” thèse inventoriée sur thèses.fr … ce sera pas le même prestige qu’un “vrai” article publié ailleurs.
Je mets énormément de guillemets.
Mais, encore une fois, je ne sais pas encore le faire correctement : c’est mon axe d’amélioration et d’apprentissage.
Je sais qu’on peut aussi regarder la taille de l’échantillon. Une étude menée sur 8 personnes c’est pas comme une étude menée sur 8000 personnes. Mais aussi sa représentativité. Sur certains sujets ça peut être un problème que l’étude soit menée uniquement sur des personnes européennes par exemple.
Ne parlons même pas des conflits d’intérêt. Encore plus dur à analyser. Mais par exemple quand toutes les études qui disent que l’alcool est bénéfique en petite dose ont été financées par des entreprises qui vendent de l’alcool on est en droit de se poser au moins des questions.
Comment lire une étude scientifique ?
Là aussi, je débute. Mais voici comment je fais.
Déjà, de plus en plus, je la mets dans DeepL. Oui, c’est payant mais au moins à la fin je peux avoir une version en français de l’étude.
Car, c’est déjà dur de lire une étude en français… mais comme la majorité sont en anglais…
Ensuite, je commence par lire l’introduction. Puis je cherche la partie Résultats ou Conclusion. Enfin, je lis la partie Discussion ou Limites de l’études.
Déjà là ça permet d’avoir une vision globale.
Si ça m’intéresse je décide alors de lire l’étude de but en blanc.
En sautant les parties chiffrées que je ne comprends pas.
Et… j’évalue à quel point elle est lisible. Il y a étude et étude. Certains articles vont être écrit de manière vraiment claire. D’autres pas. Il faut savoir abandonner et se dire ok celui-ci est trop cryptique pour moi.
L’application Consensus
Autre aide : utiliser Consensus. C’est un endroit où tu peux poser une question et avoir rapidement une idée du consensus scientifique.
Seul contrainte : il faut écrire en anglais.
Je peux par exemple lui demander si la viande est bonne pour la santé.
Ok donc plutôt oui. Sauf que je vois qu’il me parle de viande rouge qui serait dangereuse. Donc je tape :
Là déjà je n’ai plus qu’un 56% de oui. Je vois qu’on me souligne le problème de la viande transformée (exemple : la charcuterie). Alors je tape :
Et le résultat est sans appel.
Ça ne me dispense pas d’aller faire mes recherches ensuite, l’outil n’est absolument pas infaillible, mais ça va me débroussailler les recherches.
Un prompt GPT
Je me suis créé un prompt qui permet de m’aider à lire une étude grâce à ChatGPT ou Claude. Mais ça… je le garde pour mes abonné·es premium de l’Atelier Galita :
Je fais des études universitaires and un truc peut être bon à savoir: tu pourras toujours faire une étude qui montre un résultat isolé. Ce qui commence à créer le consensus c’est quand il y a beaucoup d’études avec des résultats similaires. Pour établir ça il y a ce qu’on appelle des meta-analyses. Une meta-analyse c’est une analyse qui prend beaucoup d’autres études sur un sujet, exclue les études aux standards trop bas, et donne les tendances globales que montrent les études, si il y a un consensus ou pas. Donc chercher à lire une meta-analyse en sciences empiriques (comme la psychologie) c’est généralement une meilleure piste que de chercher par étude particulière.